Conformité des produits et services
Garanties légales et conventionnelles
Tout vendeur de biens est tenu envers l'acheteur d'une
garantie impérative : la garantie légale des vices cachés
(section I). A cette obligation légale, le vendeur professionnel peut
ajouter sa propre garantie dite garantie conventionnelle (appelée
aussi garantie du vendeur, garantie du constructeur ou garantie commerciale
; section 2).
Section 1 - Garantie légale
Art. L.211-1 - Les règles relatives à
la garantie des vices cachés dans les contrats de consommation sont
fixées par les articles 1641 à 1648, premier alinéa,
du code civil reproduits ci-après :
"Art. 1641. - Le vendeur est tenu de la garantie à
raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent
impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement
cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné
qu'un moindre prix s'il les avait connus."
"Art. 1642. - Le vendeur n'est pas tenu des vices apparents
et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même."
"Art. 1643. - Il est tenu des vices cachés, quand
même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas,
il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune
garantie."
"Art. 1644. - Dans le cas des articles 1641 et 1643,
l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix
ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix telle qu'elle
sera arbitrée par experts."
"Art. 1645. - Si le vendeur connaissait les vices de
la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu,
de tous les dommages et intérêts envers
l'acheteur."
"Art. 1646. - Si le vendeur ignorait les vices de la
chose, il ne sera tenu qu'à la restitution du prix et à rembourser
à l'acquéreur les frais occasionnés par la
vente."
"Art. 1647. - Si la chose qui avait des vices a péri
par suite de sa mauvaise qualité, la perte est pour le vendeur, qui
sera tenu envers l'acheteur à la restitution du prix et aux autres
dédommagements expliqués dans les deux articles
précédents.
Mais la perte arrivée par cas fortuit sera pour
le compte de l'acheteur."
"Art. 1648, premier alinéa. - L'action
résultant des vices rédhibitoires doit être intentée
par l'acquéreur, dans un bref délai, suivant la nature des
vices rédhibitoires et l'usage du lieu où la vente a
été faite."
Commentaires :
L'article L.211-1 reproduit les articles 1641 à
1648 du Code civil en vertu desquels tout vendeur est tenu envers l'acheteur
de livrer une marchandise apte à l'usage auquel elle est destiné
et doit assurer à ce titre la responsabilité des défauts
ou vices cachés l'affectant.
1/ Champ d'application
La garantie légale est acquise à tout acheteur
:
- que le vendeur soit un professionnel ou un particulier
;
- que le bien acheté soit neuf ou d'occasion (sauf
les ventes aux enchères, article 1649 du Code civil) ;
- même si il existe une garantie conventionnelle
offerte par le vendeur ;
- même si les conditions générales
afférentes au contrat de vente l'excluent ou la réduisent (ce
qui est interdit : décret n° 78-464 du 24 mars 1978, J.O. du
1er avril, voir article L.211-2, dernier alinéa, infra, texte en anne
p. ) ;
- même à défaut du paiement par l'acheteur
de la totalité du prix à payer ;
- indépendamment ou non de la remise d'un bon de
garantie ;
- aussi bien contre le vendeur que contre l'un quelconque
des vendeurs successifs le cas échéant, et ce, jusqu'au fabricant
(Cass. Civ., 1re, 5 janvier 1972, G.P. 1992, p.773 : en cas de ventes successives
d'ue voiture d'occasion, le vendeur initial peut ètre tenu de la garantie
des vices cachés vis àvis du dernier acquéreur, si les
vices existaient lors de la première vente).
2/ Conditions d'application
La garantie légale n'est due qu'à quatre
conditions cumulatives :
- que le défaut affectant la marchandise soit grave
ou rédhibitoire à tel point que l'acheteur ne l'aurait pas
achetée ou en aurait offert un prix moindre s'il l'avait connu (constitue
un vice caché : la consommation excessive d'un véhicule automobile,
C.A., Paris, 3 mai 1967, G.P. 1967, 2, 34 ; un champignon atteignant les
boisseries d'un pavillon, Cass. Civ., 3e, 17 février 1988, Epoux
Bordière c/ époux Beaudou, Bull., 1988, p.21, n° 38),
ou que le vice en cause rende la chose vendue impropre à l'usage auquel
on la destine (article 1641 du Code civil ; Cass. Civ., 3e, 31 mai 1995,
D.1995, IR, p.164 : les défauts qui rendent la chose impropre à
son usage constituent des vices relevant des articles 1641 et suivants du
Code civil) ;
- que le défaut affectant la marchandise soit
caché, c'est-a-dire qu'il ne pouvait être décelé
lors de la vente malgré un examen attentif de la chose vendue (article
1642 du Code civil). Inversement , le vendeur n'est pas tenu des vices apparents,
c'est-à-dire ceux qu'une personne de diligence moyenne aurait
découvert en procédant à des vérifications
élémentaires (Cass. Com., 24 janvier 1984, Bull. civ.IV, n°
34 : constitue un vice apparent la présence de nombreuses pièces
rouillées sur un véhicule neuf ; C.A., 4e ch., Versailles,
3 mars 1995, Mme Leaustic c/ époux Teinturier et a., n° 95-496
: ne constitue pas un vice apparent le vice de construction se manifestant
notamment par l'affaissement du carrelage du sol en certains endroits, dès
lors que le vendeur n'a pas informé l'acquéreur de cet état
de fait et qu'il avait au surplus dissimulé les manifestations les
plus importantes par des meubles et des revètements de
sol);
- que le défaut affectant la marchandise soit
antérieur à la vente. La preuve de l'antériorité
est déterminante car la garantie n'est pas due à l'acheteur
si le vice affectant la marchandise achetée provient d'un manque de
précaution ou d'entretien de sa part ou d'une mauvaise utilisation
de la marchandise. Cette preuve peut se faire par tous moyens (par expertises
notamment ; par ex. : constitue un vice caché antérieur à
la vente la présence de termites ayant provoqué des
dégâts tels que leur antériorité à la vente
à de l'immeuble est établie, Cass. civ., 23 janvier 1987, D.1987,
IR, 18) ;
- que l'action en garantie contre le vendeur (ou le fabricant
ou le constructeur) soit intentée dans un bref délai par l'acheteur
(article 1648 du Code civil). L'appréciation du "bref délai"
relève du pouvoir souverain du juge saisi compte tenu des circonstances
de l'affaire, mais en toute hypothèse, ce délai ne court qu'à
partir du moment oè l'acheteur découvre le vice (C.A. Riom,
3e Com, 8 décembre 1972, G.P. 1973, p.475 : a été jugé
qu'une demande en résolution de la vente pour vice caché quatorze
mois après l'achat d'un véhicule d'occasion était tardive).
3/ Protection de l'acheteur
En cas de vice caché répondant aux conditions
précitées, l'acheteur bénéficie de deux
possibilités (article 1644 du Code civil) :
- soit rendre le bien acheté au vendeur et se faire
rembourser l'intégralité des sommes versées (action
rédhibitoire). Cette solution extrême est difficile à
obtenir à l'amiable et doit ètre à envisager surtout
dans les cas oè le bien vendu est inutilisable, notamment après
plusieurs réparations infructueuses. Par contre, dans la pratique,
il est courant que le vendeur professionnel propose de procéder à
l'échange de l'article défectueux contre un article neuf.
- soit garder le bien acheté et se faire indemniser
par le vendeur d'une partie du prix en proportion de la perte de valeur
qu'occasionne le vice caché (action estimatoire). Cette solution est
peu pratiquée, du moins à l'amiable, car elle soulève
de délicats problèmes d'évaluation. Il arrive souvent
dans la pratique que le vendeur professionnel prenne en charge la
réparation totale de l'objet vendu à ses frais de manière
à solutionner le problème à l'amiable (Cass., Civ.,
1re, 23 mai 1995, D.1995, IR, p.164 : constatant que les défauts
cachés, dus principalement à la corrosion, dont était
atteint un véhicule lors de la vente, en diminuait tellement l'usage,
c'est à bon droit que l'acheteur, qui ne se serait jamais porté
acquéreur dudit véhicule s'il les avait connus, estime que
l'offre du vendeur d'effectuer les réparations nécessaires
à la remise en état du véhicule ne fait pas obstacle,
même si ces réparations sont modiques, à l'action en
résolution de la vente dont il bénéficie).
Dans les deux cas, le vendeur est tenu :
- au versement de dommages et intérêts à
l'acheteur s'il connaissait les vices de la chose vendue (article 1645 du
Code civil), c'est-à-dire s'il était de mauvaise foi ;
- au remboursement à l'acheteur des frais
occasionnés par la vente (remboursement des pièces et de la
main d'oeuvre, des dégèts provoqués par le défaut,
frais de transport éventuels...) s'il ignorait les vices de la chose
vendue (article 1646 du Code civil), c'est-à-dire s'il était
de bonne foi (dans ce cas, le vendeur ne peut être condamné
à garantir l'acheteur des conséquences du dommage causé
par le vice, Civ, 1re, 24 novembre 1954, JCP 1955, II, 8565) ;
Il est à noter que l'oeuvre jurisprudentielle a
amélioré la protection des consommateurs sur ce point puisque
les tribunaux présument le vendeur professionnel comme un vendeur
de mauvaise foi (Cass. Civ., 3e, 22 janvier 1974, D.1974, 288).
En pratique :
- La mise en oeuvre de la garantie légale est
délicate : le consommateur doit à la fois agir dans un bref
délai et réunir les trois autres conditions exigées
par l'article L.211-1. En outre, il est rare que le consommateur obtienne
gain de cause à l'amiable. Il doit donc exercer une action en justice
dont les frais sont souvent supérieurs à l'intérêt
en jeu. La garantie légale des vices cachés ne saurait donc
être la solution pour tous les litiges. Il y a peu de temps encore,
en pareil cas, le consommateur n'était pas démuni de toute
protection : il pouvait invoquer des moyens tirés du droit commun
des contrats et notamment ceux découlant de l'obligation de
délivrance que les articles 1604 et suivants du Code civil mettent
à la charge du vendeur. En effet, jusqu'en 1993, les tribunaux
assimilaient la livraison d'une chose non conforme à sa destination
à un défaut de délivrance de nature à entra”ner
la résolution de la vente (Cass., Civ., 14 février 1989, Bull.
Civ. I, n¡ 84). L'intérèt pour l'acheteur est, en agissant
sur le fondement des obligations de droit commun que le Code civil met à
la charge du vendeur, qu'il n'a pas à agir dans le bref délai
de l'article 1648 du Code civil, ni à réunir les conditions
d'application de la garantie légale des vices cachés. Toutefois,
la Cour de cassation a mis fin à cette jurisprudence et juge
désormais que les vices cachés ne donne pas ouverture à
une action en responsabilité contractuelle mais en garantie de l'article
1641 du code civil (Cass. civ., 1re, 15 mai 1993, D. 1993, p. 506), ce qui
n'affranchit pas par ailleurs le juge de requalifier si besoin est toute
action dont il est saisi (Cass. Civ, 1re, 4 juillet 1995, D. Affaires 1995,
n¡ 1, Chroniques : un défaut de peinture sur un véhicule
est susceptible d'entrèiner la résolution de la vente dudit
véhicule non pas en raison du défaut de conformité en
cause mais en raison du vice qui l'affecte).
- Dans la recherche d'une solution amiable avec un vendeur
professionnel s'agissant d'un bien affecté d'un vice caché,
il est courant que celui-ci propose au consommateur soit d'échanger
le bien défectueux contre un autre neuf de même marque ou, à
défaut, ayant les mèmes caractéristiques et le mème
prix, soit de réparer à ses frais l'article défectueux.
Il revient au consommateur de juger l'opportunité de ces propositions
amiables étant entendu, s'agissant de la remise en état par
le professionnel du bien concerné, que les frais occasionnés
par cette réparation ne doivent pas être à la charge
de l'acheteur. A défaut, la mise en oeuvre de l'action en garantie
des vices cachés telle qu'elle résulte de l'article L.211-1
constitue la solution à privilégier. Dans ce cas, le tribunal
compétent est soit le tribunal d'instance, si le montant du litige
est inférieur à 30.000 F., soit le tribunal de grande instance
si le montant du litige dépasse cette somme. Dans les deux cas, le
tribunal territorialement compétent est celui du ressort du lieu de
vente ou du domicile du consommateur.