Lorsque l’on étudie le recours en garantie sur le fondement des vices
cachés, un constat s’impose rapidement : les principes de droit positif
qui gouvernent la matière résultent très largement d’une construction
jurisprudentielle autour des défaillances des véhicules automobiles .
Chronologiquement, si le contentieux du début du siècle était encore
assez rare et plus marqué par des litiges portant sur les engins
agricoles que sur les voitures particulières, alors accessibles pour un
petit nombre seulement, la croissance rapide du parc automobile français
dans l’après guerre a constitué un terreau fertile pour la
jurisprudence.
De fait, certains principes parmi les plus importants de la matière
sont issus des recours d’acquéreurs d’automobiles: citons à titre
d’exemple l’arrêt Lamborghini, décision de principe pour le régime de
l’action (action directe du sous-acquéreur contre le fabriquant) ou
encore un arrêt par lequel la Cour de cassation a posé en 1973, à
l’occasion d’un litige né de la vente d’un camion d’occasion, le
principe de licéité des clauses restrictives de garantie dans les
contrats entre professionnels de même spécialité .
Or, de façon assez paradoxale, non seulement les études sur les vices
cachés dans les ventes d’automobiles sont peu nombreuses au regard du
volume de contentieux existant mais la plupart d’entres elles sont en
outre assez anciennes. Certes, cela ne préjudicie en rien à leur grande
qualité et un hommage tout particulier doit être rendu à ce propos aux
travaux de Monsieur Gérald LEVY publiés en 1970 à la Revue Trimestrielle
de Droit Civil.
A la lueur d’un panorama de la jurisprudence récente intervenue en la
matière, la présente contribution tentera donc d’apporter quelques
éclairages complémentaires sur le recours en garantie des vices cachés
lorsqu’ils affectent les automobiles.
Le cadre de nos développements sera néanmoins limité aux seules
conditions de fond du recours, à l’exclusion de l’analyse des différents
aspects de son régime, bien qu’il présente certainement quelques
originalités en matière automobile : appréciation du bref délai de
l’article 1648 du Code Civil, hiérarchie des actions estimatoire et
redhibitoire en fonction de la gravité du vice, etc….
Après quelques brefs rappels très généraux (I), chacune des trois
principales conditions du recours sera successivement envisagée (II).
I. Quelques rappels sur le domaine et les conditions du recours en garantie sur le fondement d’un vice caché
On sait que l’originalité essentielle de l’obligation légale de
garantie des vices cachés prévue et organisée par notre Code civil,
c’est qu’elle est due par tout vendeur d’une chose quelconque, sans que
ce dernier n’ait eu à souscrire un engagement particulier, contrairement
aux garanties dites “conventionnelles” ou “contractuelles”.
L’article 1641 du Code Civil, pierre angulaire du système, dispose :
“Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la
chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou
qui diminuent tellement cet usage, que l’acheteur ne l’aurait pas
acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait
connus.”
Rappelons en premier lieu que la question de l’applicabilité de la
garantie légale aux objets d’occasion fût autrefois controversée mais
qu’il est aujourd’hui pleinement admis que cette catégorie d’objets
entre dans son champ, y compris lorsque la vente intervient entre
particuliers .
Or dans la pratique, c’est précisément le marché des véhicules
d’occasion qui donne naissance au contentieux le plus volumineux, lequel
sera en conséquence au centre de notre étude.
Schématiquement, pour que la défaillance d’une automobile soit
reconnue de nature à légitimer soit une action en garantie en vue de la
résolution de la vente (action rédhibitoire) ou en vue de la réduction
du prix (action estimatoire) il faut démontrer la réunion de plusieurs
conditions :
en premier lieu, qu’il s’agit d’un vice antérieur à la vente (1),
ensuite , qu’il s’agit d’un vice suffisamment grave pour qu’il rende le
véhicule impropre à l’usage auquel il est destiné ou qui, comme le
précise la loi, diminue tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait
pas acquis s’il l’avait connu (2),
enfin, qu’il s’agit d’un vice occulte, l’acheteur n’en ayant pas été informé ou ne l’ayant pas découvert (3).
Qu’en est-il de chacune de ces conditions lorsque le recours intervient à la suite de la vente d’un véhicule automobile ?
II. Les conditions du recours
1. L’antériorité du vice à la vente
Bien que cette condition ne résulte pas d’une disposition expresse du
Code Civil, la jurisprudence subordonne en premier lieu le recours de
l’acheteur à la démonstration du fait que le vice affectant le véhicule
existait au moins en germe à la date du contrat de vente .
Il est en effet parfaitement logique, et équitable, d’exclure de la
responsabilité du vendeur les défauts entièrement nouveaux, même s’ils
sont graves, pour autant qu’ils surviennent postérieurement au contrat
du fait notamment de l’usure consécutive à l’utilisation du véhicule par
l’acquéreur ou encore d’un défaut d’entretien qui lui serait imputable .
Comment l’antériorité du vice à la vente est-elle établie en matière automobile ?
a) L’expertise technique
Sur le plan de l’administration de la preuve, il reviendra le plus
souvent à un expert de déterminer si le vice existait au jour de la
vente, question de nature technique sur laquelle il n’est pas toujours
aisé de se prononcer.
C’est notamment pour cette raison que l’article 1648 du Code Civil
prescrit à l’acheteur d’introduire son recours à bref délai après avoir
découvert le vice redhibitoire car plus il tarde à agir, plus cela
compromet la possibilité de dater la naissance du vice par rapport au
jour de la transaction.
Sur le plan technique, à l’exception des ruptures soudaines et
brutales qui peuvent toujours survenir, le processus de dégradation des
différents organes constitutifs d’un véhicule s’inscrit le plus souvent
dans une certaine durée.
L’exemple type est la corrosion pour laquelle il est souvent
possible, pour un technicien, non pas de dater très précisément son
apparition mais plutôt de replacer ses effets dans une chronologie
suffisante pour en tirer des conclusions de droit, en tenant compte par
exemple de certains facteurs aggravants ou modérateurs.
Tel était le cas par exemple de la rupture d’une pièce à propos de
laquelle l’expert avait pu établir qu’elle s’était amorcée avant la
vente “car les lèvres de la cassure étaient rouillées” ce qui, bien que
ne conférant évidemment pas date certaine à l’apparition du vice,
permettait néanmoins une approximation suffisante pour déterminer si la
condition d’antériorité était satisfaite.
Pour se prononcer, les experts peuvent d’ailleurs tenir compte de
circonstances aussi variées que le lieu de stockage habituel ou même la
localisation géographique du véhicule : en effet, la corrosion se
développera significativement plus rapidement si le véhicule est exposé
depuis longtemps aux intempéries parce qu’il est stationné à l’extérieur
et/ou au bord de la mer que s’il est remisé dans un endroit couvert et
climatisé.
Mais comme dans beaucoup d’autres domaines, les ressources de la
science ne sont pas sans limites et quel que soit le degré de ses
compétences, l’expert n’est pas toujours en mesure d’apporter aux
magistrats saisis du litige une réponse catégorique sur le point de
savoir si le défaut critiqué trouvait ou non son origine antérieurement
au contrat de vente.
b) Le rôle des présomptions
Pour pallier les incertitudes qui pourraient demeurer, même après une
expertise, les Tribunaux sont donc parfois conduits à faire jouer une
présomption qui tient compte de l’importance de l’utilisation du
véhicule et du lapse de temps qui s’est écoulé entre le jour de la vente
et le jour où le vice caché s’est rélévé à l’acheteur.
Le principe en est très simple : plus l’utilisation du véhicule aura
été importante depuis son acquisition - ce qui est une donnée facile à
obtenir par la comparaison du kilométrage entre le jour de la vente et
le jour de la découverte du vice - et la durée longue, moins l’on pourra
considérer que le vice existait au moment de l’achat.
Il a ainsi été jugé, par exemple, que pour des désordres survenus
plus de 6 mois après la vente et après 7300 km, il n’était pas démontré
qu’ils existaient au jour de la vente , ou encore, lorsque un acquéreur
avait pu parcourir près de 70.000 km sans incident depuis la vente .
De même, il a été décidé qu’au moment de la vente, un véhicule ne
présentait pas de vice le rendant impropre à l’usage auquel il était
destiné puisque l’acquéreur avait pu parcourir 3.900 km avant qu’une
anomalie ne se manifeste au niveau de la boite de vitesses .
Il semble cependant que cette présomption joue davantage lorsque la
juridiction saisie déboute l’acquéreur de son action en établissant
négativement le défaut d’antériorité du vice que lorsqu’elle fait droit
au recours.
Pour condamner le vendeur, les magistrats se montrent en effet
souvent plus exigeants en requérant une preuve directe et positive de
l’antériorité du vice, ce qui est d’ailleurs très légitime.
Si la preuve est insuffisante et qu’un doute subsiste, la condition
d’antériorité ne sera pas jugée comme établie : tel était notamment le
cas de la présence de poussières dans le maître cylindre de frein d’un
tracteur agricole ayant entrainé un accident, poussières dont l’origine
et la nature étaient finalement restées indéterminées .
2. La gravité du vice et les impropriétés d’usage du véhicule
La seconde condition posée pour qu’une déficience d’une automobile
autorise son acheteur à agir en garantie contre le vendeur, c’est le
caractère de gravité que doit présenter le défaut qui en est à
l’origine.
Sur ce point, comme le précise le texte de l’article 1641 du Code
Civil, le vice doit rendre la chose impropre à l’usage auquel on la
destine ou diminuer tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas
acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il l’avait connu.
Or l’usage premier et essentiel d’une automobile, par définition,
c’est de pouvoir circuler et il serait donc tentant, pour la matière, de
transposer la notion d’impropriété de la chose à sa destination en
notion d’inaptitude ou d’impropriété à la circulation.
Il semble pourtant que l’on ne puisse pas systématiquement confondre
ou assimiler ces deux notions, assimilation que l’on retrouve parfois
sommairement dans certaines décisions bien qu’elle ne rende pas toujours
compte de la diversité des cas de figure.
Un excellent auteur a parfaitement résumé la difficulté : il existe
une “hiérarchie des usages possibles d’une chose déterminée” et la
notion d’aptitude à la circulation ne permet donc pas d’affiner
l’analyse puisqu’elle est susceptible de plusieurs interprétations, qui
vont de la plus large à la plus étroite.
Comme cela a été également fort justement relevé, “la délimitation de
la notion de vice grave est tributaire de la détermination de l’usage
auquel le véhicule a été destiné” , ce qui conduit naturellement les
Tribunaux, pour juger de la gravité d’un vice, à rechercher à quel
modèle d’utilisation vendeur et acheteur faisaient référence lorsqu’ils
ont conclu la vente.
Précisons à ce propos qu’il s’agit de l’usage entré dans le champ du
contrat, de celui sur lequel les parties étaient expressément ou
implicitement d’accord lors de sa conclusion, à l’exclusion de toute
modification d’usage à l’initiative de l’acheteur, postérieurement à la
vente .
De ce qui précède, il résulte que le vice caché donnant lieu à
garantie n’est donc pas seulement le vice qui rend le véhicule
inutilisable au regard de sa fonction première, c’est-à-dire qui le rend
inapte à rouler.
Il peut s’agir également, comme le précise l’article 1641 du Code
Civil, d’un vice qui diminue significativement son utilisation, de telle
manière que si l’acheteur en avait eu connaissance, on peut présumer
qu’il aurait purement et simplement renoncé à son achat ou n’aurait
offert qu’un prix inférieur à celui convenu pour la transaction.
Envisagé sous cet angle, le vice caché engendre un amoindrissement ou
des restrictions dans l’utilisation du véhicule plutôt qu’une
impossibilité d’usage.
Pour juger de cet éventuel amoindrissement, il faut donc cette fois
se référer à un modèle de “pleine utilisation” du véhicule incriminé
Comme l’indique le Professeur LARROUMET, “Dans la mesure où un usage
particulier de la chose n’a pas fait l’objet de l’accord des parties et
où une qualité particulière n’a pas été par elles expressément
envisagée, il s’agit des qualités requises pour un usage courant de la
chose conformément à l’utilité qui doit en être objectivement attendue,
c’est-à-dire celle qui est requise pour toutes les choses du type auquel
appartient la chose vendue.”
A titre d’illustration, le modèle abstrait d’utilisation d’un
véhicule de collection n’est pas celui d’un véhicule ayant vocation à
être utilisé tous les jours même si certains érigent en principe ce qui
constitue, dans la norme commune, l’exception.
Il n’en reste pas moins que si le véhicule dont l’usage est présumé
restreint est inapte à promener son acheteur le dimanche, on pourra
considérer que son utilisation est tellement diminuée qu’il ne l’aurait
sûrement pas acquis, autorisant en conséquence l’acquéreur à agir en
garantie.
De la même manière, en ce qui concerne par exemple les exigences de
confort, l’appréciation sera différente s’il s’agit d’un modèle de luxe
ou d’un modèle plus courant. Il a ainsi été jugé, s’agissant de
turbulences d’air dans l’habitacle lors de l’ouverture de la vitre
arrière d’un véhicule de gamme moyenne, que ce défaut ne constituait pas
un vice pouvant justifier une garantie car il ne portait pas
suffisamment atteinte au niveau de confort qui pouvait être attendu du
véhicule litigieux.
En revanche, le défaut mécanique provoquant un dandinement dans les
virages a été jugé comme un inconvénient intolérable, l’acquéreur du
véhicule litigieux l’exploitant dans le cadre d’une entreprise de pompes
funèbres .
Compte tenu de ces précisions, quels sont les principaux critères ou
les éléments d’appréciation retenus pour fixer le degré de gravité du
vice ouvrant la voie d’une action en garantie ?
a) Véhicules neufs et véhicules d’occasion
Pour l’automobile comme pour tout autre bien, l’appréciation de la
gravité d’un vice peut être plus ou moins sévère : soit on considère que
de légers désordres de fonctionnement engendrent une véritable
inaptitude à circuler normalement, soit on considère au contraire que
l’inaptitude à circuler ne peut résulter que d’une impossibilité totale
d’utilisation du véhicule vendu.
Et pour se situer entre ces deux appréciations extrêmes dans un
litige donné, l’analyse de Monsieur Gérald LEVY paraît excellente : elle
passe par la détermination du niveau de service que l’acheteur est en
droit d’attendre du véhicule qu’il a acquis.
Le niveau de service exigible étant lui-même fonction de la nature de
l’objet, la première distinction à opérer concerne les véhicules neufs
et les véhicules d’occasion.
S’agissant d’un véhicule neuf ou très récent, le service qu’il doit
rendre à son acquéreur doit être maximal et l’appréciation de la gravité
du vice doit être la moins sévère possible.
Le contentieux autour des véhicules neufs demeure cependant assez
rare, non seulement parce qu’ils sont nécessairement plus fiables mais
également en raison de l’existence presque généralisée des garanties
conventionnelles offertes par les constructeurs ou les revendeurs
professionnels. En effet, les clauses qui organisent ces garanties ne
déterminent en général pas de degré de gravité des défauts de nature à
faire jouer la garantie, pour autant qu’ils ne résultent pas d’une faute
du conducteur (négligence d’entretien, utilisation non conforme aux
spécifications etc…).
Lorsque l’objet de la transaction est, au contraire, constitué par un
véhicule d’occasion, le service qui peut en être attendu par l’acheteur
est atténué. Il reste à déterminer dans quelle mesure.
Le principe d’appréciation en la matière est également très simple :
le niveau de service que l’acheteur est en droit de revendiquer sera
inversement proportionnel à l’âge et à la durée d’utilisation du
véhicule d’occasion au moment de son achat. Plus le véhicule sera récent
et son kilométrage faible, plus on se rapprochera de l’appréciation
indulgente de la gravité du vice qui préside en matière de véhicules
neufs .
En revanche, plus le véhicule sera ancien et son kilométrage
important, plus les déficiences qui l’affectent devront être graves pour
légitimer un recours de l’acheteur .
Pour illustrer le propos, une consommation d’huile importante sera
considérée comme une vice suffisamment grave pour légitimer la
résolution de la vente d’un véhicule neuf (ou d’occasion mais ayant peu
roulé) alors qu’un recours fondé sur la même cause, dans l’hypothèse
d’un véhicule à fort kilométrage, sera voué à l’échec.
Car, comme le rappelle souvent la jurisprudence, le principe de la
prévisibilité de certains défauts, même assez graves, est l’une des
caractéristiques essentielles des véhicules d’occasion .
Un auteur a parfaitement illustré le principe en indiquant que “la
voiture d’occasion est avant tout un assemblage de pièces complexes, une
machine déjà capricieuse comme toute mécanique, mais son usure, au
surplus, expose tout de même à quelques mécomptes.”
Mais cela n’exclut pas, bien au contraire, toute garantie due par le
vendeur d’un véhicule d’occasion, même si certaines décisions exigent la
preuve d’un vice “d’une particulière gravité” .
D’autres décisions expriment cette idée sans doute avec plus de
précision en faisant référence à une “usure anormale” ou en précisant
que “s’agissant d’un véhicule d’occasion, il est certain que le vendeur
doit répondre des conséquences imprévues de la vétusté” .
Constituant un critère fréquemment retenu par les Tribunaux pour
délimiter le champ de la garantie due pour les véhicules d’occasion, la
notion de “conséquences imprévues de la vétusté” mérite donc que l’on en
cerne mieux les contours.
b) L’exclusion du vice relevant de la vétusté
Comme l’écrit un auteur, “le vice dont se plaint l’acheteur -
essentiellement distinct du seul caractère usagé de la chose - doit être
apprécié de façon relative, en ce sens qu’il doit dépasser ce qui était
normalement prévisible dans un véhicule d’occasion, en un mot il doit
être un défaut qu’une chose même usagée ne devrait pas présenter.”
A la vérité, il s’agit une nouvelle fois d’une question éminemment technique.
L’objectif en la matière consiste à déterminer, pour un véhicule
donné affecté d’un vice caché, si ce dernier résulte du vieillissement
dû tant à son utilisation qu’à son âge - qu’il s’agit d’un “vice de
vétusté” - ou si au contraire la défectuosité constatée peut être
considérée comme anormale sur le véhicule litigieux.
En dehors des conséquences systématiques que l’usure fait subir aux
différents composants mécaniques des automobiles quel qu’en soit le
type, l’expérience acquise par les experts automobiles sur les
différents modèles du marché après quelques années de commercialisation
leur permet de répertorier leurs points faibles ou leurs défaillances
spécifiques.
Et la connaissance des défauts dus à l’usure qui sont inhérents à un
certain modèle (par exemple, une absence localisée de protection contre
la corrosion engendrant immanquablement de la rouille à cet endroit)
permet donc souvent à l’expert, en présence d’un exemplaire précis
affecté d’un vice, de dire si ce défaut relève ou non “des conséquences
imprévues de la vétusté”.
Si l’on peut considérer que le vice d’un modèle résultant de l’usure
est objectivement connu et qu’il se manifeste de façon normale sur
l’exemplaire litigieux, il ne pourra pas fonder l’acheteur à s’en
prévaloir dans le cadre d’un recours en garantie.
En revanche, bien qu’abondamment décrit, si un vice “classique” d’un
modèle est anormalement développé sur un exemplaire, il pourra alors
éventuellement donner lieu à garantie car comme l’indique H. ROLLAND
“analysé en un objet de seconde qualité, l’objet d’occasion doit donc
avoir conservé ses aptitudes et son utilité économiques, sinon le
vendeur engage sa responsabilité” .
Dans cette recherche, les magistrats prendont le plus souvent en
considération le prix convenu, pour le comparer à la cote de l’occasion
ou encore les propres promesses du vendeur, notamment s’il avait rédigé
une petite annonce dans un journal spécialisé : ils seront
nécessairement plus rigoureux envers le vendeur lorsque celui-ci aura
sollicité un prix supérieur à la cote moyenne ou aura par exemple
indiqué que le véhicule était en parfait état.
Au registre des appréciations de nature économique, notons enfin que
pour fixer le niveau de gravité de nature à légitimer l’action en
garantie de l’acheteur, les Tribunaux retiennent parfois également le
fait que le coût de la réparation, si elle est possible, dépasse la
valeur vénale du véhicule .
c) La “dangerosité” du véhicule
Entre le vice ne préjudiciant que l’agrément, en principe exclu du
champ de la garantie légale, et celui qui porte gravement atteinte à
l’utilisation du véhicule, la limite est essentiellement variable et
donc parfois difficile à déterminer.
A titre d’exemple caricatural, personne ne viendra contester qu’un
défaut du système de freinage constitue un défaut mécanique grave sans
pour autant que cela n’engendre nécessairement et dans l’immmédiat une
impossiblité pratique d’utiliser le véhicule, lequel continue
techniquement à pouvoir circuler. Faut-il pour autant refuser à
l’acheteur de se prévaloir d’un tel défaut pour agir en garantie ?
Pour pallier les difficultés qui résistent aux analyses les plus
fines, le seuil qui est souvent retenu par les Tribunaux pour marquer le
niveau de gravité exigé pour qu’un défaut constitue juridiquement un
vice caché autorisant l’acheteur à dénoncer la vente, c’est le risque
qu’il engendre pour la sécurité d’utilisation du véhicule.
Dès que le défaut sera de nature à rendre le véhicule dangereux, il
sera presque systématiquement jugé comme satisfaisant à la condition de
gravité posée pour l’action en garantie .
De ce point de vue, la destination d’une automobile, ce n’est donc
pas tant son aptitude à circuler que son aptitude à circuler dans des
conditions de sécurité acceptables pour ses occupants.
Or à l’heure où le législateur se fait de plus en plus sévère quant
aux obligations d’entretien des véhicules, notamment en rendant
obligatoire, lors des visites périodiques, la réparation de défauts de
plus en plus nombreux, cette tendance devrait logiquement se transposer
dans la jurisprudence en matière de vices cachés.
d) Quelques exemples de vices cachés reconnus comme suffisamment graves
1) Affectant la carrosserie ou la structure
oxydation très importante et irréparable de la coque d’une Peugeot
304 cabriolet 1970, qui n’était pas relèvé dans le rapport de contrôle
technique alors que l’examinateur aurait dû la déceler, ce qui a
engendré, en outre, une responsabilité contractuelle du centre de
contrôle à l’égard du vendeur tenu, dans ces circonstances, à le
garantir du remboursement du prix à l’acheteur ,
oxydation profonde du dessous de caisse susceptible d’entraîner la
rupture de pièces qui n’est visible qu’une fois que le véhicule a été
placé sur un pont et qu’il a été nettoyé de la boue collée aux endroits
attaqués par la rouille
déformation d’un longeron et de la traverse moteur ,
défaut d’un longeron et des disques de freins sur une automobile d’occasion récente, justifiant la seule action estimatoire ,
longeron de châssis arrière boulonné, support de bras de suspension arrière fendu, traverses et longerons oxydés ,
corrosion irréparable de la coque dissimulée par collage de toiles peintes sur un véhicule âgé de 14 ans .
2) Affectant les organes mécaniques ou de sécurité
défectuosité du “moteur, organe essentiel de la machine” ne pouvant
être décelée “qu’après une marche de plusieurs milliers de kilomètres”
défaut du collier de serrage de la durite d’arrivée d’essence au
carburateur ayant engendré l’incendie d’un véhicule neuf, après 3 mois
et demi et qu’il ait parcouru seulement 2.000 km ,
panne moteur due à de graves détériorations du vilebrequin sur un véhicule n’ayant parcouru que 28.426 km ,
culasse vrillée et épaulement important provenant de l’usure de l’intérieur des chemises ,
fissures multiples de la fonderie de la boîte de vitesse, masquées en outre par un produit de colmatage ,
défaut de goupillage de l’assemblage de la direction ,
usure excessive et anormale de la vis sans fin de la direction ,rupture de la rotule centrale de la colone de direction ,
vibrations excessives du véhicule ,
défaut de la pompe à huile ,
cassure d’un boulon de tête de bielle ,
défaut du tambour de frein d’une caravane ayant engendré un accident ,
défectuosité du système de freinage ,
consommation d’essence supérieure de 36% à celle annonçée par le constructeur dans ses brochures publicitaires ,
pannes successives du système de freinage au cours de 700 premiers
kilomètres parcourus par l’acheteur avec le véhicule d’occasion ,
cassure du boulon fixant le berceau-support du radiateur ayant
occasionné la rupture des durites et, par suite, la détérioration du
moteur ,
fissure du bloc moteur colmatée avec des produits anti-fuite .
e) Quelques exemples de vices cachés jugés insuffisamment graves,
n’atteignant que l’agrément ou résultant de l’usure normale d’un
véhicule d’occasion ou ancien :
fissure d’un cylindre, les magistrats s’étant montrés très exigeants
en l’espèce en considérant qu’il s’agissait d’un organe pouvant être
“facilement et rapidement remplacé” ,
déformation de la structure consécutive à un choc avant gauche d’une Jaguar XK 1956 bénéficiant d’une carte grise collection ,
turbulences d’air dans l’habitacle lors de l’ouverture des vitres arrières ou vibrations du plancher ,
longueur insuffisante d’un cable de raccordement électrique d’une caravane au véhicule tracteur ,
usure d’un arbre à came sur un véhicule ayant parcouru 120.000 km ,
coulage d’une bielle dû à un mauvais graissage causé par un encrassement
du filtre à huile sur un véhicule affichant 47.000 km au compteur, ce
qui constituerait une décision très sévère si des signes inquiétants
n’avaient pas précédé la survenance de la panne (émissions de fumées et
échauffement du moteur), lesquels auraient dû alerter l’acquéreur, ce
qui aurait permis d’éviter l’essentiel du dommage .
3. Le caractère occulte du vice - l’exclusion du vice apparent
Nous avons vu que le vice caché ouvrant la voie de la garantie légale
est un défaut qui doit être né avant le contrat et qui doit affecter
gravement son utilisation. Il faut encore qu’il ne puisse être considéré
comme un vice apparent.
Bien entendu, rappelons d’abord que le caractère occulte que doit
présenter le vice pour justifier la garantie du vendeur n’a pas
obligatoirement à résulter d’une dissimulation volontaire : le vice
caché n’est pas obligatoirement le vice qui “a été caché”.
En effet, et dans cette hypothèse, il s’agirait au premier chef d’une
manoeuvre dolosive de nature à tromper le consentement de l’acheteur,
manoeuvre dont on sait qu’elle est sanctionnée par la nullité du
contrat.
Ceci précisé, l’action en garantie pour vices cachés ne peut
constituer un moyen efficace de revenir sur un achat précipité et ne
saurait d’avantage servir à l’acheteur de mauvaise foi qui, bien ayant
noté un défaut grossièrement réparé, tenterait par la suite de s’en
prévaloir auprès du vendeur pour obtenir la restitution d’une partie du
prix.
En effet, la parade résulterait alors de l’article 1642 du Code Civil
qui dispose que “le vendeur n’est pas tenu des vices apparents et dont
l’acheteur a pu se convaincre lui-même”.
Aux vices cachés s’opposent donc naturellement les vices apparents,
lesquels ne peuvent en aucune façon ouvrir à l’acheteur une action en
garantie. Quels sont-ils dans les ventes d’automobiles ?
a) Vices révélés par l’examen ou l’essai
Constituent ainsi des vices apparents, tous ceux qui ont été révélés
par l’essai routier du véhicule ou l’examen de l’extérieur, sans autre
investigation particulière ou démontage.
Mais le vice apparent n’est pas uniquement celui qui est ostensible
et que révèle un des examens superficiels, mais aussi celui qu’un homme
de diligence moyenne aurait découvert, en procédant à des vérifications
élémentaires .
L’acheteur est donc tenu à un examen aussi méticuleux que ses connaissances le lui permettent.
En outre, on comprend aisément qu’en matière de véhicules d’occasion,
l’acheteur soit juridiquement tenu à une vigilance plus étendue que
s’il achetait un véhicule neuf.
S’il ne procède pas aux vérifications élémentaires, au moins celles
qui sont à la portée de tout automobiliste , il sera présumé avoir
accepté par avance l’éventualité de vices cachés et toute action en
garantie lui sera alors refusée .
Précisons encore que la multiplicité des vices apparents peut même
parfois priver l’acheteur d’un recours qui serait fondé sur un vice
supplémentaire qui, à la différence des précédents, serait caché car il
existe en effet une forte présomption qu’un véhicule comportant de
nombreux défauts apparents en comporte également d’autres qui le sont
moins, même pour un acheteur profane normalement avisé .
b) Vices révélés par le rapport de contrôle technique
On rappellera qu’à de rares exceptions près, notamment pour les
véhicules anciens circulant sous couvert d’une carte grise “collection” ,
tout vendeur d’un véhicule de plus de 4 ans est tenu de remettre à
l’acheteur, préalablement à la vente, un rapport de contrôle technique
établi dans un centre agréé et datant de moins de 6 mois .
Précisément institué à l’origine comme garantie pour l’acheteur en
visant à l’informer sur l’état général du véhicule qu’il se propose
d’acquérir, il existe des divergences significatives de jurisprudence
sur le point de savoir si un défaut noté sur le rapport de contrôle
technique présenté à l’acheteur lors de la transaction fait de ce défaut
un défaut apparent dont ce dernier ne sera plus fondé à se plaindre .
Certaines décisions considèrent que les défauts qui sont révélés par
l’examen du contrôle technique du véhicule constituent des vices
apparents , d’autres jugent le contraire, notamment lorsque les
magistrats estiment qu’à la lecture des indications du rapport de
contrôle, l’acheteur a pu se méprendre sur la nature ou la gravité du
vice ainsi que sur ses conséquences potentielles sur le fonctionnement
du véhicule.
c) L’influence de la qualité de l’acheteur
Contrairement à l’acheteur occasionnel ou profane, l’acheteur
professionnel est présumé connaître les défauts de l’automobile qu’il
achète, par exemple dans le cadre d’une “reprise”.
La qualité d’acheteur professionnel “transforme” ainsi, en quelque
sorte, les vices cachés en vices apparents dont l’acheteur n’est pas en
droit de se plaindre.
C’est encore avec talent que la jurisprudence sur cette question a
été singularisée en ce qu’elle tendait “à présumer la cécité naturelle
des acheteurs occasionnels et la clairvoyance acquise des acheteurs
professionnels .
Les raisons de cette sévérité sont aisées à comprendre : on considère
qu’un professionnel, à la différence d’un non professionnel, dispose
des compétences, voire des installations techniques, lui permettant de
procéder aux contrôles utiles pour détecter les anomalies.
Il reste cependant à préciser ce qu’il faut entendre par acheteur
professionnel. S’agit-il exclusivement des professionnels de
l’automobile et même de la réparation automobile ? Bref, est-ce que
seuls sont privés du recours les mécaniciens patentés, en raison de
leurs connaissances en mécanique ?
La jurisprudence dominante semble avoir opté pour une définition
extensive de l’acheteur professionnel, appréciée néanmoins au cas par
cas en fonction des qualifications professionnelles précises de chacun.
Ainsi, la qualité d’acheteur professionnel a-t-elle été reconnue
notamment à un transporteur routier , un représentant de commerce dans
le secteur de l’automobile ou à un ajusteur .
En revanche, n’ont pas été considérés comme acheteurs professionnels,
un entrepreneur de travaux publics lors de l’achat d’un engin de
chantier ou encore un gérant de station service lorsqu’il se rendait
acquéreur d’une voiture de tourisme, car ce dernier n’avait pas reçu de
formation en mécanique mais en installation de sanitaires .
Mais l’on se trouve parfois devant cette contradiction qu’un acheteur
peut disposer des connaissances lui permettant de juger de l’état d’une
automobile sans que cela puisse exclure d’importantes erreurs
d’appréciation de sa part.
Et c’est pour tenir compte de ce cas de figure que la Cour de
cassation a reconnu à l’acheteur professionnel ou à l’acheteur reconnu
comme tel le droit de se prévaloir de vices cachés pour obtenir la
résolution d’une vente dès lors qu’il est établi qu’il n’avait pas
décelé les défauts parce qu’ils étaient difficilement perceptibles sans
démontage .
Cette solution paraît extrêmement raisonnable puisqu’elle tient
compte d’une réalité technique difficilement contestable, à savoir que
certains vices peuvent échapper même à la vigilance d’un homme
expérimenté : on parle en la matière de “vices indécelables”,
c’est-à-dire de vices indécelables sans démontage .
Dans cette même logique, il convient encore de préciser que lorsque
le vendeur est de mauvaise foi, qu’il s’est rendu coupable de ruses pour
tromper l’acheteur sur l’état du véhicule vendu, notamment par des
maquillages plus ou moins habiles, peu importe que ce dernier soit un
acheteur professionnel ou non : les Tribunaux considèrent en effet dans
cette hypothèse que l’acheteur professionnel retrouve la possibilité de
se prévaloir des vices cachés puisque ses facultés d’appréciation ont
été délibérément mises en échec par une manoeuvre frauduleuse du
vendeur.
d) Quelques exemples de défauts jugés comme constituant des vices apparents
1) Affectant la carrosserie ou la structure
corrosion du plancher et de la coque ,
des joints de portes détériorés.
2) Affectant les organes mécaniques ou de sécurité
pneu réparé sur sa face interne par des rustines collées à froid,
présentant une usure supérieure à 75 % extérieurement visible ,
pneus usés ou batterie, démarreur, boite de vitesse, feux arrières, moteur d’essuie-glace ne fonctionnant pas correctement,
moteur émettant des fumées importantes, un témoin de pression d’huile
restant allumé, montée anormale en température du circuit de
refroidissement ,
fente du carter moteur-boîte réparée avec du mastic résineux et de la
pâte métallique décelable par simple examen du dessous du véhicule , ce
qui constitue certainement une décision très sévère.
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Il est certain que dans les transactions portant sur des objets
complexes, les différents systèmes d’information de l’acheteur rendus
obligatoires par les pouvoirs publics concourent tous à une plus grande
sécurité juridique. Tel est le cas du système du contrôle technique mis
en place en matière de vente d’automobiles, même si à notre
connaissance, la Cour de cassation ne s’est pas à ce jour prononcée sur
sa portée exacte dans l’information de l’acheteur et sur les
conséquences engendrées sur le plan de la garantie des vices cachés.
Il n’en reste pas moins que le système du contrôle technique conserve
ses limites puisque les contrôles sont effectués sans démontages et ne
peuvent de ce fait renseigner l’acheteur sur l’état d’usure des organes
essentiels du véhicule comme le moteur ou la boîte de vitesse, sauf
peut-être pour stigmatiser des défauts extérieurement visibles comme les
fuites d’huile.
Mais d’autres difficultés peuvent aussi résulter du fait que le
formalisme en matière de vente de véhicules automobiles n’est pas très
contraignant : les parties n’ont en effet nullement l’obligation de
mettre en forme un véritable contrat puisque seule est exigée la remise à
l’acquéreur d’un certificat de cession sur un imprimé réglementaire
(verso du Cerfa n° 47-0204).
Or sur ce plan, on peut regretter que le modèle de certificat de
cession soit trop sommaire. Il pourrait en effet utilement être complété
par diverses mentions constituant certainement des informations utiles
pour l’acheteur mais également pour les Juges lorsqu’ils sont saisis par
la suite d’un recours en garantie : interventions récentes d’entretien
ou de remise en état dont il est justifié sur facture, quittance de
remise des différents documents que le vendeur doit obligatoirement
remettre à l’acheteur (carte grise, certificat de situation ou”non
gage”, rapport de contrôle technique, vignette et son talon).
Ces indications complémentaires auraient en outre le mérite de
“moraliser” la transaction puisque le vendeur aurait nécessairement
moins tendance à formuler des promesses ou des renseignements
fantaisistes s’il s’agissait de s’engager par écrit.
Bref, tous ce qui confère à l’acheteur une information plus
rigoureuse est utile. Mieux ce dernier sera éclairé sur les qualités
objectives de l’automobile qu’il achète, mieux il le sera sur ce qu’il
est en droit d’en attendre. Telle est la recherche permanente
d’équilibre entre les intérêts respectifs du vendeur et ceux de
l’acheteur qui singularise le droit de la vente.