Annulation de mariage: Que dit la loi?
Annulation
de mariage : Que dit la loi ? L’annulation d’un mariage par le tribunal
de grande instance de Lille car l’épouse avait menti sur la virginité
fait pousser de grands cris. Le jugement a de quoi choquer, mais cela ne
devrait pas interdire de raisonner. Quand tout le monde hurle, il est
rare que tout le monde ait raison.
Un
homme et une femme se marient. L’homme est très attachée au fait que
son épouse n’ait pas connu de la relation intime, et la future épouse
reconnait que c’est là une donnée essentielle de leur union. C’est un
choix. Chacun mène sa vie, et se crée les contraintes qu’il souhaite. La
future épouse avait affirmé qu’elle n’avait pas connu de relations
sexuelles, mais la nuit de noces est fatale : celle qui est l’épouse
depuis quelques heures n’était pas vierge. Fait non contesté, pas plus
qu’était contesté le caractère décisif de ce fait dans le consentement
au mariage. Si la femme avait dit la vérité sur l’existence de relations
sexuelles antérieures, le mariage n’aurait pas eu lieu.
Chacun en pense ce qu’il en veut, mais c’est là encore un fait. Quel
est le problème pour le droit ? Le mariage est un contrat, qui se
caractérise par l’échange solennel des consentements devant le maire et
les témoins. Si le consentement est fictif, c’est la validité du mariage
qui est en cause. Autant dire qu’il s’agit de défendre l’institution du
mariage. Le législateur a fait ses choix, avec l’article 180 du Code civil. « Le
mariage qui a été contracté sans le consentement libre des deux époux,
ou de l'un d'eux, ne peut être attaqué que par les époux, ou par celui
des deux dont le consentement n'a pas été libre, ou par le ministère
public. L'exercice d'une contrainte sur les époux ou l'un d'eux, y
compris par crainte révérencielle envers un ascendant, constitue un cas
de nullité du mariage.
« S'il
y a eu erreur dans la personne, ou sur des qualités essentielles de la
personne, l'autre époux peut demander la nullité du mariage.»
C’est
ce deuxième alinéa qui est en cause. Et ce n’est pas une nouveauté.
L’article a été réécrit en 1975, mais en continuité de ce qui se faisait
auparavant. Et on cite dans toute les facs de droit l’affaire Berthon,
jugée par la Cour de cassation le 24 avril 1862 : l’épouse avait
découvert que son mari était un ancien forçat. Erreur déterminante, car
la dame prouvait que si elle avait su, elle ne se serait pas mariée.
Elle n’avait rien à reprocher sur la vie du mari au sein du couple.
C’est le fait antérieur à la conclusion du mariage qui était en cause.
Le
tribunal de Lille a tenu le même raisonnement, jugeant que l'époux
avait conclu le mariage « sous l'empire d'une erreur objective » qui
« était déterminante dans son consentement ». Voilà tout le drame de ce
tribunal : il applique la loi et tient compte des faits. Car l’épouse
reconnait qu’elle n’avait pas dit la vérité, et que sans ce mensonge le
mariage n’aurait pas eu lieu.
Donc,
chacun pense ce qu’il veut de ces choix personnels, et je rappelle que
dans un société libre, la loi n’a pas à qualifier ce qui fait la nature
des sentiments. Les hommes politiques découvrent cette loi, et « Ni
putes , ni soumises » demande l’abrogation de la loi !
Le
divorce, c’est quand des faits survenus pendant le mariage remettent en
cause la vie du couple. L’annulation, c’est quand l’un des époux prouve
que le mariage n’aurait pas eu lieu sans un mensonge. Et quand les deux
époux reconnaissent que sans ce mensonge, il n’y aurait pas eu de
mariage, le tribunal n’a plus beaucoup de marge… sauf à condamner
l’homme et la femme à vivre ensemble. A perpétuité et incompressible ?
Chacun est libre de penser ce qu’il veut de la vie des autres, et il est
libre de le dire, mais comment la loi pourrait-elle reconnaitre la
force des consentements, et ne pas s’intéresser à ce qui a vicié le
consentement ? On
trouve d’ailleurs de nombreux exemples en jurisprudence, notamment sur
l’état mental, ou l’inaptitude totale aux relations sexuelles. La
question religieuse est également récurente. C’est ce qu’a rappelé la
Cour de cassation dans une affaire jugée le 2 décembre 1997 (n°
96-10498). L’époux avait caché à son épouse qu'il avait contracté un
premier mariage religieux et qu'il était divorcé. La Cour avait prononcé
l’annulation du mariage en relevant que ce mensonge constituait une
erreur sur des qualités essentielles du mari. Pour la Cour, cette
circonstance était déterminante du consentement de la femme qui,
désirant contracter un mariage religieux, entendait, par là même,
épouser une personne non divorcée. Je ne me rappelle pas que cette affaire ait fait un scandale…