Indemnité de non-concurrence : calcul et versement encadrés
Depuis
2002, la Cour de cassation a fait de l'existence d'une contrepartie
financière une condition de validité de la clause de non-concurrence.
Aujourd'hui, elle apporte deux précisions importantes concernant, d'une
part, la date de versement de cette indemnité et, d'autre part, son mode
de calcul.
Cass. soc. 7 mars 2007, n° 05-45511 FPPBR
Le montant de l'indemnité de non-concurrence peut être déterminé
soit de façon forfaitaire, soit par rapport à un pourcentage du salaire
brut, sous réserve de ne pas être dérisoire et de ne pas être déterminé
uniquement par rapport à une durée minimale d'exécution du contrat.
Les modalités de versement de l'indemnité de non-concurrence
peuvent prendre plusieurs formes (versement unique à l'issue du
contrat ; versements périodiques pendant la durée de l'obligation de
non-concurrence), avec un interdit nouveau : le versement de l'indemnité
ne peut plus intervenir par anticipation au cours de l'exécution du
contrat de travail.
Détermination du montant de l'indemnité
1-1 |
Le montant de la contrepartie financière doit être fixé proportionnellement à la durée et à l'intensité de l'atteinte portée à la liberté professionnelle du salarié au regard de ses revenus professionnels antérieurs (CA Versailles, 17e ch. soc., 20 février 2003, RG 01/02044, BICC 580 du 1er juillet 2003). Il peut s'agir soit d'un montant forfaitaire, soit d'un pourcentage du salaire. |
Un montant forfaitaire
* Fixé par le contrat de travail ou la convention collective
1-2 |
L'indemnité de non-concurrence peut être déterminée en fonction d'un montant forfaitaire, sans référence au salaire. Elle peut figurer au contrat de travail ou dans la convention collective (voir 1-6). |
* Compris dans une indemnité transactionnelle
1-3 |
La Cour de cassation reconnaît la possibilité, pour l'employeur et le salarié, de convenir, lors de la rupture du contrat de travail, et dans le cadre d'un accord transactionnel constaté par un procès-verbal de conciliation, de l'application d'une clause de non-concurrence distincte, dans certaines de ses modalités, de celle qui était insérée au contrat de travail. Dans ce cadre, la Cour a estimé que la contrepartie financière de la clause de non-concurrence pouvait valablement être comprise dans l'indemnité transactionnelle forfaitaire mise à la charge de la société (cass. soc. 24 janvier 2007, n° 04-43121 FD).
Ceci étant, dans l'hypothèse d'une clause de non-concurrence signée à l'occasion d'une transaction, il faut à notre avis privilégier une rédaction claire et dénuée d'ambiguïté permettant d'identifier clairement, d'une part, l'obligation de non-concurrence et, d'autre part, la contrepartie financière. |
Un pourcentage du salaire
* Base de calcul
1-4 |
Si l'indemnité de non-concurrence est fixée par rapport à un pourcentage du salaire, l'employeur doit la calculer à partir de la rémunération brute du salarié (cass. soc. 13 janvier 1998, n° 95-41480, BC V n° 6). |
* Suspension du contrat
1-5 |
Lorsque le salarié a été absent pour maladie dans la période précédant la rupture du contrat de travail et n'a pas perçu sa rémunération habituelle, il faut se référer au salaire normal. C'est ce que les juges ont décidé concernant une salariée ayant le statut de VRP (cass. soc. 11 mai 2005, n° 03-41181, BC V n° 160).
Dans cette affaire, la salariée, VRP exclusive, s'était trouvée en arrêt de travail ininterrompu avant la rupture de son contrat de travail et n'avait perçu, au cours de cette période, que les indemnités journalières de sécurité sociale. Les juges avaient décidé que la rémunération moyenne des 12 derniers mois (base de l'indemnité de non-concurrence prévue par l'ANI applicable aux VRP) devait s'entendre des mois normalement travaillés, à l'exclusion des périodes au cours desquelles la VRP s'était trouvée en arrêt de travail. |
Incidence des dispositions conventionnelles
* Renvoi à la convention collective
1-6 |
La clause de non-concurrence inscrite dans le contrat peut ne pas prévoir de contrepartie financière et renvoyer à la convention collective applicable à l'entreprise qui, elle, en impose une (à titre d'exemple, la CCN des VRP). Une telle clause est valable dans la mesure où la contrepartie financière instituée par la convention collective s'applique de plein droit (cass. soc. 10 mars 2004, n° 02-40108, BC V n° 83). |
* Montants différents
1-7 |
L'employeur doit toujours se référer, en amont, aux éventuelles dispositions conventionnelles fixant un montant minimal à l'indemnité de non-concurrence. En effet, si la clause contractuelle de non-concurrence prévoyait une indemnité compensatrice d'un montant inférieur à celui fixé par la convention collective, la clause serait nulle et libérerait le salarié de son obligation de non-concurrence (cass. soc. 13 janvier 1998, n° 95-41480, BC V n° . |
Hypothèses de fixation interdites
* Pas de montant dérisoire
1-8 |
Une contrepartie financière dérisoire à la clause de non-concurrence équivaut à une absence de contrepartie. C'est ce qu'a affirmé clairement la Cour de cassation dans un arrêt du 15 novembre 2006 (cass. soc. 15 novembre 2006, n° 04-46721, BC V n° 341). Dans cette affaire, le montant de l'indemnité mensuelle de non-concurrence était égal à un dixième du salaire brut perçu au mois de janvier de la dernière année d'activité au sein de la société. Ce montant étant dérisoire, la clause de non-concurrence était illicite et l'employeur devait être condamné à indemniser le salarié. En effet, le respect par un salarié d'une clause de non-concurrence illicite lui cause nécessairement un préjudice dont il appartient au juge d'apprécier le montant.
La solution avait déjà été retenue par la cour d'appel de Paris (CA Paris, 18e ch., 29 juin 2004, n° 03-38770), puis par la cour d'appel de Bordeaux (CA Bordeaux, 5e ch., 12 janvier 2006, n° 05-01458). |
* Pas de fixation uniquement en fonction de la durée du contrat
1-9 |
La jurisprudence récente relative à la clause de non-concurrence s'était jusque-là peu prononcée sur le montant de la contrepartie financière, sauf pour assimiler la contrepartie dérisoire à une absence de contrepartie (voir 1-. L'arrêt du 7 mars apporte une précision supplémentaire en interdisant aux parties de fixer le montant de la contrepartie en fonction de la seule durée d'exécution du contrat de travail. Par conséquent, une indemnité dont le montant serait exclusivement indexé sur l'ancienneté du salarié serait nulle.
Dans cette affaire, l'interdiction de concurrence figurant au contrat de la salariée était d'une durée de 2 ans pour une ancienneté supérieure à 5 ans. Le principe affirmé ici n'exclut pas totalement ce mode de fixation : rien n'empêche de prévoir que la contrepartie financière à la clause de non-concurrence sera calculée en partie en fonction de la durée d'exécution du contrat, à condition qu'il ne s'agisse pas de l'unique critère de fixation. |
Déclenchement du paiement de l'indemnité
Motif de rupture indifférent
1-10 |
Si le contrat de travail ne limite pas sa portée, la clause de non-concurrence s'applique, quel que soit le mode de rupture du contrat : - rupture de la période d'essai ; - démission ; - licenciement, même pour faute grave ou lourde ; - inaptitude du salarié ; - départ ou mise à la retraite du salarié ; - rupture du contrat de travail consécutive à une cessation volontaire d'activité de l'entreprise ou à une liquidation de biens et cessation des activités de l'entreprise (cass. soc. 5 avril 2005, n° 02-45540, BC V n° 118 et cass. soc. 11 juin 2003, n° 01-43092 FD). |
Interdiction de limiter le versement à certaines ruptures
1-11 |
La clause ne peut pas subordonner le versement de la contrepartie à certains modes de rupture du contrat de travail ou, au contraire, l'exclure dans certains cas de figure.
EXEMPLES Une clause de non-concurrence ne peut pas prévoir que la contrepartie pécuniaire n'est due qu'en cas de rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur. Une telle clause est nulle (cass. soc. 31 mai 2006, n° 04-44598, BC V n° 198). De même, la clause qui ne prévoit le versement d'une contrepartie qu'en cas de rupture du contrat à l'initiative du salarié est également frappée de nullité (cass. soc. 27 février 2007, n° 05-44984 FP). Il n'est pas non plus possible de prévoir dans la clause de non-concurrence que la contrepartie financière ne sera pas due en cas de licenciement pour faute grave du salarié concerné. Même licencié pour faute grave, ce dernier est en droit d'obtenir le paiement de l'indemnité de non-concurrence (cass. soc. 26 juin 2006, n° 05-40990, BC V n° 231). En d'autres termes, dès lors que le salarié est tenu à une obligation de non- concurrence, il ne peut en aucun cas être privé de la contrepartie financière de cette obligation. |
Due de façon automatique
1-12 |
L'employeur doit payer l'indemnité compensatrice de non-concurrence lorsque le salarié cesse son activité et respecte la clause, sans que ce dernier ait besoin de démontrer l'existence d'un préjudice (cass. soc. 31 mars 1998, n° 96-43016, BC V n° 189). Par ailleurs, peu importe que l'ancien salarié ait retrouvé un emploi immédiatement après avoir démissionné, s'il a bien respecté l'interdiction de concurrence (cass. soc. 10 mars 2004, n° 01-47350 FD). Peu importe également que le salarié ait fait part de son intention de cesser toute activité (cass. soc. 30 avril 2003, n° 01-41874 FD) ou encore qu'il ait été déclaré inapte (cass. soc. 13 juillet 2005, n° 03-44975). |
Incidence d'une transaction
1-13 |
La transaction conclue avec un salarié licencié n'affecte pas les clauses contractuelles destinées à s'appliquer postérieurement à cette rupture du contrat de travail, sauf disposition expresse contraire. L'employeur doit donc verser la contrepartie financière à la clause de non-concurrence même s'il a signé une transaction, dans la mesure où celle-ci ne comporte aucune disposition emportant expressément renonciation à cette clause (cass. soc. 5 avril 2006, n° 03-47802 FD). |
Date de paiement de l'indemnité
1-14 |
L'employeur peut décider de verser l'indemnité selon plusieurs modes, sous réserve de respecter les éventuelles dispositions conventionnelles sur le sujet. Il faut souligner que si le salarié est dispensé d'effectuer son préavis, il a droit au versement de l'indemnité dès son départ effectif de l'entreprise (cass. soc. 15 juillet 1998, n° 96-40866, BC V n° 382). |
Modalités de paiement autorisées
* Versement unique à l'issue du contrat de travail
1-15 |
Si la convention collective ne l'interdit pas, il est possible de verser l'indemnité de non-concurrence en une seule fois, à l'issue du contrat de travail. |
* Versement régulier pendant la période d'interdiction de concurrence
1-16 |
Un versement périodique Le mode de versement de l'indemnité de non-concurrence utilisé le plus fréquemment est le versement échelonné au cours de la période de non-concurrence. Il peut intervenir chaque mois ou selon une autre périodicité (trimestre...). Il s'agit également du mode de versement recommandé. En effet, en cas de violation de la clause par le salarié, l'employeur peut interrompre les versements ; tandis que si le paiement est prévu en une seule fois lors de la cessation du contrat de travail, l'employeur sera contraint de saisir les juges pour récupérer son dû, ce qui est plus long et plus coûteux. |
1-17 |
Pas de subordination à des obligations déclaratives Il n'est pas possible de prévoir que l'obligation de verser la contrepartie financière soit subordonnée à la condition préalable que le salarié fournisse chaque trimestre une attestation de présence de son nouvel employeur ou une attestation de non-emploi.
Une telle disposition est illicite dans la mesure où l'obligation de verser la contrepartie naît de l'existence même de la clause et parce qu'elle a pour conséquence de faire présumer que ce salarié ne respecte pas la clause de non-concurrence jusqu'à ce qu'il apporte la preuve contraire (CA Poitiers, ch. soc., 15 juin 2004, RG n° 02-03586, BICC 609 du 1er décembre 2004). |
Modalités de paiement interdites
* Pas de versement par anticipation au cours de l'exécution du contrat
1-18 |
Auparavant, la jurisprudence admettait que l'indemnité de non-concurrence puisse être versée, par anticipation, en cours d'exécution du contrat. Elle exigeait cependant que son montant soit déterminé et déterminable (CA Lyon 27 septembre 2005, BICC 631 du 15 décembre 2005). En pratique, l'indemnité pouvait prendre la forme d'un supplément de salaire qui apparaissait distinctement sur le bulletin de paye. Par sa décision du 7 mars, la Cour de cassation met un terme à cette pratique. Tout en rappelant que la contrepartie financière de la clause de non-concurrence a pour objet d'indemniser le salarié qui, après rupture du contrat de travail, est tenu à une obligation qui limite ses possibilités d'exercer un autre emploi, elle énonce que son paiement ne peut pas intervenir avant la rupture. La clause qui contreviendrait à ces principes doit être déclarée nulle.
Les faits ayant donné lieu à l'arrêt ci-dessus étaient les suivants : le contrat de travail d'une VRP comportait une clause de non-concurrence d'une durée de 2 ans pour une ancienneté supérieure à 5 ans qui stipulait : « cette clause correspond à 7 % de votre salaire et se trouve incluse dans votre fixe et dans les taux de commissions exprimés ci-dessus ». Suite à son licenciement, la salariée avait saisi la juridiction prud'homale, notamment d'une demande de dommages-intérêts pour avoir respecté la clause de non-concurrence nulle. Le principe posé est clair : une clause de non-concurrence ne peut plus prévoir que sa contrepartie financière sera versée par anticipation en cours d'exécution du contrat, sous peine de nullité. De façon concrète, l'indemnité de non-concurrence ne peut plus être incluse dans la rémunération perçue par le salarié en contrepartie de sa prestation de travail, y compris en l'individualisant clairement dans le contrat de travail et/ou sur le bulletin de paye. En pratique, un forfait « salaire + indemnité de non-concurrence » est donc impossible. |
* Pas de versement à l'issue du délai de l'obligation de non-concurrence
1-19 |
Sous peine de nullité, une clause de non-concurrence ne peut pas prévoir que la contrepartie financière sera versée à la fin de la période de non-concurrence (cass. soc. 2 mars 2005, n° 03-42321 D).
Dans cet arrêt, une clause prévoyait que la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, consignée par l'employeur sur un compte bloqué, n'était due qu'à la fin de la période de trois années de non-concurrence. Les juges ont déclaré la clause illicite. |
« Embauche et contrat de travail » RF 952, § 671